-9/30 novembre 2024 :
Le ZiS 5 et ses dérivés
Cheville ouvrière et bonne à tout faire de l’Armée Rouge
(par Thomas SEIGNON)
Pour peu que l’on s’intéresse au matériel mis en œuvre par l’URSS au cours de la Seconde Guerre mondiale, on s’aperçoit qu’un véhicule tel que le ZiS 5 et ses variantes sont à la logistique ce que le T 34 est aux unités de combat.
En effet, ces camions rustiques et adaptés à la production de masse sont, avec leurs homologues produits par GAZ (AA, MM et dérivés), les incontournables bêtes de somme de la chaîne de soutien de l’Armée Rouge.
À partir de ce constat et à la lecture de l’article d’Hervé C. (voir ICI) qui illustre un ZiS 5 récupéré par la Wehrmacht et équipé d’une pièce de 20 mm (Flak 38), je me propose de creuser un peu le sujet.
Il faut dire qu’en matière de reproduction en miniature du ZiS 5, il y a de quoi creuser et il serait bien prétentieux de prétendre à l’exhaustivité ; même si, pour cet article, je me limite aux modèles reproduits au 1/43.
Un peu d’histoire :
Je ne vais pas recopier ici ce que tout un chacun peut facilement trouver sur la toile en ce qui concerne l’histoire du ZiS 5.
Ce qui me semble plus intéressant, c’est de noter que ce camion ainsi que les usines qui vont le produire ont des origines américaines.
C’est aussi le cas des camions GAZ (ainsi que du T 34, si l’on veut bien remonter aux projets de l’ingénieur Christie !).
Ceci pour dire que dans la Russie communiste des années 20s et 30s, on sait s’adapter aux contraintes du capitalisme américain… et réciproquement.
Néanmoins, il ne s’agit pas de sous estimer les compétences des ingénieurs russes qui ne se contentent pas de copies pures et simples des produits occidentaux.
Ils vont les adapter non seulement aux exigences de l’économie planifiée mais aussi aux dures réalités de la géographie locale.
On peut résumer cela en parlant de simplification au service de l’efficacité sans renoncer à l’innovation.
Un ZiS 5 est composé de « seulement » 4500 pièces différentes et comporte « seulement » une trentaine de pièces complexes à usiner (roulements à billes, boîte de vitesse…).
Le déménagement des usines de production vers l’Oural devant l’avance allemande en 1941 a certes ralenti la production, mais de façon temporaire.
Elle à même poussé les ingénieurs soviétiques a encore optimiser les délais de fabrication tout en limitant l’usage de matériaux stratégiques.
Au bilan, toutes versions confondues, le camion a été produit à environ 900 000 exemplaires entre 1933 et 1955 (plus d’1 million si l’on considère que l’Ural ZiS 355 est une évolution du ZiS 5).
C’est un peu moins que le GAZ AA et ses dérivés, mais cela conforte le rôle essentiel joué par ces deux camions dans la victoire de l’Armée Rouge lors de la « Grande Guerre Patriotique ».
Pourtant en dépit de ces chiffres impressionnants, l’aide matérielle américano-britannique va également jouer un grand rôle dans cette victoire ; rôle souvent sous-évalué dans la mémoire collective russe.
-Les modèles réduits :
Les marques russes (voire ex-soviétiques) sont naturellement en pointe lorsqu’il s’agit de reproduire le ZiS 5.
Le problème est qu’il est parfois difficile de les identifier précisément, de les différencier, de savoir si elles sont toujours actives et si les moules des unes ont pu profiter aux autres, et inversement.
Ce qu’il est en revanche possible d’affirmer, c’est que la région de Saint-Pétersbourg est l’un des berceaux de ces modèles et que la logique d’optimisation des moules à travers de multiples variantes constitue, comme dans la réalité, une marque de fabrique.
D’abord Miniclassic qui comme son nom de l’indique pas, est bien une marque russe.
Le boîtage en plastique transparent est relativement fragile et le logo aux reflets brillants est plutôt voyant.
On commence par la version 4X2 de base, avec les ailes à angle droit caractéristiques des simplifications issues de la production de guerre.
Le même 4X2 est cette fois proposé avec les ailes arrondies de début de production et armé d’une mitrailleuse lourde de 12,7mm DShK ; il s’agit de la reproduction d’un modèle exposé dans un musée.
Le caractère polyvalent du châssis (3 t. de charge utile) est illustré par cette version atelier, dite PM 3.
La version double cabine est relativement rare et constitue presque un luxe, surtout dans cette déclinaison à ailes droites.
Le même châssis, une fois allongé, supporte la caisse d’un autobus utilisé à des fins sanitaires (ZiS 16 S) ; on note un intérieur détaillé qui comprend des brancards.
Le même bus est décliné en version hiver. Avec le temps, les parties en plastique blanc, comme les pare chocs, ont tendance à jaunir...
L’intérêt de cette version ne réside pas tant dans le fait qu’il s’agit d’un engin aux couleurs de l’armée allemande, mais que l’ensemble est en plastique alors que les versions précédentes de ce même bus sont presque intégralement en métal.
Avec cette version 6X4 (ZiS 6) du lanceur de roquettes multiple BM 13, on revient au métal, en dehors du système de lancement et de ses rampes.
On retrouve le shelter atelier cette fois sur le châssis semi6chenillé (ZiS 22 ou ZiS 42). Ici seuls le châssis et la cabine sont en métal ; cette solution permet de conserver un même moule de base en métal dont les éléments qui constituent les variantes sont déclinées en plastique.
Le ZiS 5 n’a pas échappé à une déclinaison en citerne à carburant (BZ 39 pour Benzina Zapravka – Ravitailleur essence) ; ces citernes peuvent présenter de nombreuses différences en fonction des constructeurs.
Avec l’allongement du châssis associé à son renforcement (ZiS 12), l’idée est d’augmenter la charge utile tout en restant en 4X2 ; ce modèle est presque entièrement en métal.
Au détail près de la teinte, on pourrait penser qu’il s’agit du même modèle que le précédent ; or celui ci est en plastique. J’ignore les raisons qui ont motivé ce choix de la part de Miniclassic, déjà constaté plus haut avec le bus.
On passe ensuite à une autre marque russe également caractéristique des années 80s et 90s, à savoir OMO (rien à voir avec la lessive), parfois identifiée sous la marque Replicars.
Si les boîtages vont progressivement évoluer, les modèles reposent sur le même principe que ceux de Miniclassic, à savoir une base en métal à partir de laquelle les éléments de variantement sont pour l’essentiel déclinés en plastique.
Les trois boîtages sont ici présentés dans l’ordre chronologique de leur évolution.
En commençant par la version de base, on remarque un niveau de détail un peu en retrait par rapport aux modèles de chez Miniclassic.
Par ailleurs, l’épaisse couche de peinture est assez brillante et relativement fragile.
La déclinaison en version sanitaire hiver est agrémentée d’un petit drapeau à croix rouge.
Le radiateur et le pare choc argentés indiquent que OMO a également décliné son modèle dans de multiples versions civiles, pompiers en particulier.
Le modèle propulsé au charbon de bois est logiquement proposé avec les ailes avant anguleuse. Il illustre la période de restrictions en tous genres liées au conflit.
L’adaptation d’une lame chasse-neige ainsi que la teinte blanche nous plongent dans les rigueurs de l’hiver russe.
La puissance toute relative de ce camion 4X2 ne devait pas faciliter les opérations de déneigement !
On note au passage la fragilité de la peinture...
Le simple ajout d’un projecteur anti aérien sur la version de base suffit à créer un nouveau modèle.
Sur cette version citerne (BZ 39), le moule de la cabine a été légèrement modifié pour l’améliorer (poignées de porte) et le rendre plus conforme au modèle simplifié (cabine en bois) produit pendant la guerre.
Le camouflage trois tons est d’origine.
On peut donc penser que cette première version citerne, moins détaillée, est plus ancienne que la précédente.
Toujours une citerne à carburant, plus évoluée que la précédente mais qui conserve une cabine de base avec les ailes arrondies.
Tout cela donne l’impression que des variantes d’un même modèle pouvaient apparaître en fonction des pièces disponibles chez le fabricant à l’instant T.
Pour sa version double cabine OMO a conservé les ailes arrondies du début de production, entre 1933 et 1941.
La rentabilisation des moules passe évidemment par la production d’une version 6X4 (ZiS 6) qui va elle-même permettre de multiplier les modèles.
Pourquoi pas le projecteur anti aérien ; exemple qui m’amène à confirmer la thèse de la disponibilité des matériaux chez OMO.
On note que sur ces deux modèles apparemment similaires, la teinte des plastiques (radiateur et caisse) est différente.
Le montage de divers type de grues sur ZiS 6 est tout à fait crédible bien que peu fréquent.
Le type de grue proposé ici semble toutefois indiquer un modèle d’après guerre.
L’originalité de la version semi-chenillée (ZiS 22 et 42) réside dans la reproduction de son train arrière ; or il se trouve que, dans ce cas, il a été particulièrement simplifié.
Il semble assez logique que pour faire fonctionner un moteur au charbon de bois, il faut du bois ; cette version tracteur forestier est donc la bienvenue.
Dans le cadre de ses productions les plus récentes, OMO complète ses modèles de ZiS 5 avec des éléments tractés comme cette pièce A/C de 45mm.
Le tube du canon paraît bien fin pour un tel calibre, même à cette échelle.
Le rendre moins long et plus épais aurait sans doute été plus réaliste… et peut-être évité qu’il ne soit tordu.
La cuisine roulante constitue une autre option en matière de traction.
Dans ce contexte, on aurait aimé que la caisse soit agrémentée de quelques produits nécessaires à la soupe, comme des sacs de pommes de terre...
Le coup des skis, à la place des pneus avant sur la version semi-chenillée nous montre que chez OMO on ne manque pas d’imagination pour décliner les modèles avec le minimum de modification.
Tant qu’on est dans la neige, on va aussi mettre sur skis le lanceur BM 13…
Si ‘l’on oublie le traîneau, le reste ressemble furieusement à celui de chez Miniclassic vu plus haut.
Je n’ai pas résister à la tentation d’accoupler ces deux modèles qui ne peuvent pas tenir dans le même boîtage standard mais qui vont manifestement bien ensemble.
Comme la densité de neige est variable, on s’est dit chez OMO qu’on pouvait aussi lui remettre ses pneus.
Cela fera toujours un modèle de plus… dont la peinture blanche est encore plus fragile que le vert brillant.
Sur ce modèle le plus récent de projecteur anti aérien, le phare lui-même ainsi que les accessoires placés dans la caisse sont différents de ceux déjà vus plus haut…
Encore un « nouveau » modèle !
Il s’agit probablement ici d’un compresseur dont il est intéressant de noter qu’il est en métal, ce qui est original pour un élément de variantement du même châssis 6X4.
Cet élément de pontage est également en métal, mais plus léger puisqu’il est constitué par pliage et non par moulage.
La version que j’identifie comme PC nous propose un shelter qui a pu servir à d’autres usages, d’autant que pour une version de commandement, il manque les antennes généralement associées à ce type de fonction.
Si l’on se replace dans le contexte des années 80s et 90s, qu’il s’agisse de Miniclassic ou d’OMO, les modèles ont un bon niveau de détail.
En revanche, la qualité des matériaux utilisé est médiocre.
Au delà des problèmes de tenue de la peinture, beaucoup de ces modèles souffrent de « metal fatigué », en particulier au niveau des châssis, ce qui entraîne parfois quelques surprises lorsqu’on les désolidarisent de leur socle.
-Ajout du 23 novembre :
La marque NAV Autoprom est également russe mais bien plus récente puisque qu’avec ce type de boîtage carton-blister, elle nous propose une série de ZiS 5 qui date de 2018… et qui est produite à Hong Kong.
Sur la version de base, on note que le constructeur à fait le choix de travailler sur la base du ZiS 5 V, c’est à dire la version de production de guerre avec ailes anguleuses et cabine bois.
Si le niveau de détail est supérieur aux modèles Miniclassic et OMO, il n’est pas exceptionnel… ; ce qui reste logique compte tenu d’un prix de vente qui tourne autour d’une trentaine d’euros.
On retrouve une version du compresseur, mais cette fois sur le châssis 4X2.
La notion de « die cast metal » qui apparaît sur les boitages relève de la vue de l’esprit puisque sur ces modèles, seul le châssis est métallique.
Sans surprise, le modèle est aussi proposé sous la forme de la citerne essence BZ 39.
La caisse atelier PM 3 est également reproduite et reste très proche de celle produite une trentaine d’année avant, par Miniclassic.
Le ZiS 42 n’est pas plus original, mais cette fois le train semi-chenillé a été traité avec beaucoup plus de soin.
Fin des années 2010, et au début des années 2020, une série presse russe (MODIMIO) évoque les camions de la période soviétique.
Le N° 43 de la série traite du ZiS 5 en version benne.
Sur ce modèle, la base est encore celle du ZiS 5 V mais dans une version plus originale qui n’a été produite à l’époque qu’à quelques centaines d’exemplaires.
*Ajout du 30 novembre 2024*
Fin des années 2010 et au début des années 2020, une série presse russe (MODIMIO) évoque les camions de la période soviétique.
Le N° 43 de la série traite du ZiS 5 en version benne.
Sur ce modèle, la base est encore celle du ZiS 5 V mais dans une version plus originale qui n’a été produite à l’époque qu’à quelques centaines d’exemplaires.
Toujours sur la base d’une série presse, mais cette fois-ci plus occidentale, la collection Eagle Moss s’est également intéressé au ZiS 5 (voir ICI), ici dans sa version emblématique de porteur du système BM 13, sur châssis 6X4 ZiS 6.
La version citerne apparaît également dans la même collection, dotée d’un camouflage original.
On note que l’échappement de toutes les versions citerne est retourné vers l’avant du véhicule.
Mais avant Eagle Moss en 2013, c’est Atlas dès 2010, et toujours sur la base d’une série-presse, qui s’est emparé du sujet (voir ICI).
Les moules de cette série ont été intégralement repris par Eagle Moss.
Si ce n’est la mise en peinture, la version citerne illustre parfaitement cette démarche de transfert de moule.
La remarque vaut également pour la version BM 13.
Il va de soit que le sujet est certainement loin d’être épuisé, même si l’on reste à l’échelle constante du 1/43.
Je ne doute pas que les quelques Milinfistes amateurs de matériel russe pourront compléter cette première approche.
Ces amateurs savent aussi que la série des GAZ AA, MM et autres variantes ont fait l’objet du même intérêt de la part des mêmes marques russes (probablement disparues aujourd’hui), mais ceci est une autre histoire !