-30 juillet 2024 :
Les armées françaises à la recherche
de 7000 nouveaux camions logistiques
(Article publié le 27 juillet 2024 sur www.forcesoperations.com)
Après les camions-citernes, place aux camions logistiques. L’acquisition de jusqu’à 7000 nouveaux véhicules est désormais dans le collimateur des armées françaises, lancement d’une autre compétition à la clef.
Le ministère des Armées semble avoir mis sur les rails ce qui semble être le coeur du programme à effet majeur « flotte logistique et tactique terrestre » (FTLT). Trois mois après l’attribution d’un premier incrément à Arquus, il s’agit cette fois de renouveler le segment des porteurs de charge utile 6 tonnes (PL6T).
Selon l’appel d’offres publié hier, un maximum de 7000 véhicules tout terrain protégés ou non pourraient être livrés en plusieurs versions au travers d’un marché notifié par la Direction générale de l’armement (DGA) pour un peu plus de 12 ans. Hormis le développement des porteurs, ce dernier comprendra deux tranches relatives à la constitution du système de soutien et au soutien proprement dit du parc. Le volet financier n’est pas détaillé.
Le sujet FTLT, ce sont plus de 2080 camions potentiellement livrés d’ici à 2030 toutes versions confondues et jusqu’à 9466 à horizon 2035. Une tranche de 75 M€ est prévue cette année en autorisations d’engagement pour acter principalement la première commande du deuxième incrément, celui portant notamment sur des porteurs polyvalents de l’avant « dédiés au transport de systèmes d’armes et de ressources pondéreuses ».
Cette nouvelle étape confirme à son tour l’approche incrémentale finalement privilégiée afin de « s’adapter à l’évolution du besoin capacitaire, de la menace, du vieillissement du parc en service et l’arrivée des nouvelles technologies ». Plutôt que de miser sur un opérateur unique, chaque incrément sera donc l’objet d’une mise en concurrence dédiée.
Au vu des volumes pressentis, la DGA accorde une attention particulière à la robustesse financière et industrielle des potentiels candidats. Pour espérer être retenu, il faudra démontrer un chiffre d’affaires d’au minimum 600 M€ sur les trois dernières années et une capacité de production annuelle de 1000 camions. Pour certains comme Arquus, il s’agira donc de s’allier. Désormais intégré dans le groupe belge John Cockerill, le champion national a en effet enregistré un résultat inférieur au seuil exigé au cours des derniers exercices.
Attendu de longue date, FTLT permettra de renouveler des capacités dont l’obsolescence et les limites auront été démontrées l’an dernier lors de l’exercice majeur ORION. Densifier la flotte et renforcer sa mise sous blindage, voilà l’une des recommandations inscrites dans un récent rapport parlementaire relatif aux leçons d’ORION et auxquelles cet appel d’offres tentera justement de répondre.
Source :
-Ajout du 9 août 2024 :
Le remplacement des vieux camions GBC180
de l’armée de Terre est enfin sur les rails
(Article publié le 31 juillet 2024 sur www.opex360.com)
La Loi de programmation militaire [LPM] 2019-25 avait fait du programme « Successeur poids lourds – Véhicules 4-6 tonnes » l’une de ses priorités, avec l’objectif d’acquérir 7000 nouveaux camions d’ici 2030 afin de remplacer les GBC180, mis à rude épreuve durant des années d’opérations extérieures.
Cependant, l’armée de Terre avait dû faire feu de tout bois pour convaincre de l’importance d’un tel programme… alors que la logistique est, en quelque sorte, le « nerf de la guerre ».
Notre « mobilité repose essentiellement sur [nos] camions. […] C’est donc un souci premier pour nous et nous sommes très satisfaits de l’avoir au moins fait entrer dans la LPM parce qu’alors la Direction générale de l’armement [DGA] va travailler sur ce sujet », s’était félicité le général Charles Beaudouin, alors chef d’état-major chargé des plans et des programmes de l’état-major de l’armée de Terre [EMAT].
Réputé « increvable » et pouvant transporter une charge de 4 tonnes, le GBC180 n’en est pas moins un véhicule désormais très ancien. Il est le fruit d’une rénovation du Berliet GBC 8KT, effectuée en 1997 par Arquus. Lancée par souci d’économie, cette opération avait consisté à remplacer la cabine, le moteur, la boîte de vitesse et le système de freinage. En revanche, le châssis et les organes de roulement furent conservés.
Reste que la logistique est l’un des points de « vigilance » de l’armée de Terre. C’est en effet ce qu’a mis en lumière l’exercice interarmées de préparation à la haute intensité Orion, effectué en 2023. « La flotte de camions tactiques a éprouvé nos limites », avait ainsi admis le général Yves Métayer, chef de la division « Emploi des forces » à l’État-major des armées [EMA], lors d’une audition parlementaire.
« Confronté à un adversaire coriace qui perturbe vos flux logistiques, vous vous retrouvez un peu seul. Il faut donc densifier l’autonomie logistique des modules opérationnels d’un combat de haute intensité tactique. Les capacités d’emport, notamment pour l’armée de Terre et les unités de contact, doivent être supérieures à celles évaluées pour nos engagements des trente dernières années. Il faut projeter vers l’avant des stocks un peu plus importants », avait-il expliqué.
Seulement, le projet initial de la LPM 2024-30, dévoilé en avril 2023, ne fit aucune mention du renouvellement des camions tactiques GBC180. Mais cet oubli fut « réparé » par le Sénat, qui, via un amendement, précisa que « 2086 camions logistiques terrestres » seraient livrés à l’armée de Terre avant 2030, sur une cible totale de 9466 exemplaires.
D’où l’appel d’offres publié ce 31 juillet par la DGA. « Le présent projet de marché porte sur l’acquisition et le soutien de camions militaires destinés au renouvellement des capacités logistiques des forces armées françaises », indique le document. Il s’agit ainsi de développer « différentes versions de porteurs logistiques de charge utile de 6 tonnes [PL6T] tout terrain protégés ou non protégés » ainsi qu’un « système de soutien » [outillages, rechanges, documentations, formations].
« Le marché a pour objet la fourniture d’une quantité maximale de 7000 porteurs logistiques y compris leurs équipements, le soutien en service et la maîtrise technique du parc véhicules constitué », précise le texte.
La DGA impose plusieurs conditions aux industriels intéressés par cette procédure. En effet, celle-ci n’est « pas ouverte aux opérateurs économiques des pays tiers à l’Union européenne ou à l’espace économique européen ». En outre, pour y prendre part, il faut avoir réalisé un chiffre d’affaires global supérieur ou égal à 600 millions d’euros au cours du dernier exercice [ou en moyenne sur les trois derniers].
Or, considéré jusqu’à présent comme étant l’un des principaux favoris pour ce programme, avec son camion Armis 6×6, Arquus a réalisé un chiffre d’affaires moyen inférieur à 600 millions d’euros au cours des trois dernières années… En revanche, sa reprise par le belge John Cockerill [1,2 milliards de recettes engrangées en 2023] lui permettra ainsi de soumettre une proposition.
Photo : Armis 6×6 – Arquus