-4 décembre 2023 :
La disponibilité de « certains » matériels de l’armée de Terre
insuffisante selon le Sénat
(article publié sur www.opex360.com le 2 décembre 2023)
Pour des « impératifs renforcés de confidentialité », tous les indicateurs de « performance » des armées, comme l’activité des forces et la disponibilité des matériels, sont désormais classifiés « diffusion restreinte – spécial France », le Ministère des Armées ayant estimé qu’il avait naguère fait preuve de « naïveté » en les publiant. Cependant, cette approche tranche avec les politiques en vigueur dans d’autres pays de l’Otan, dont le Royaume-Uni et les États-Unis, où de telles données sont non seulement accessibles mais aussi commentées. Aussi, on peut avoir la faiblesse de penser qu’elles seraient publiques si elles étaient excellentes…
Quoi qu’il en soit, de telles restrictions compliquent le travail des parlementaires chargés du contrôle des actions du gouvernement, quel que soit leur bord politique. En effet, même s’ils peuvent avoir accès à ces données, ils ne sont pas autorisés à les commenter. Au plus peuvent-ils rendre compte des grandes tendances. Ce que les sénateurs Olivier Cigolotti et Michelle Gréaume ne se sont pas privés de faire dans l’avis budgétaire sur le programme 178 « Préparation des forces » qu’ils viennent de rendre.
Ainsi, s’agissant de la disponibilité des équipements de l’armée de Terre, les deux rapporteurs estiment qu’elle devrait « s’améliorer très progressivement ». Ce qui suggère que cet indicateur mettra encore du temps pour être enfin satisfaisant…
Cela étant, en la matière, il existe deux indicateurs : la Disponibilité technique, c’est à dire le nombre de matériels effectivement disponibles par rapport au parc total, et la Disponibilité technique opérationnelle, soit le nombre d’engins disponibles par rapport au contrat opérationnel.
En général, les chiffres de la DTO sont toujours supérieurs à ceux de la DT. Et c’est d’ailleurs sans doute pour cette raison qu’ils ont été les derniers à avoir été mis sous le boisseau.
Quoi qu’il en soit, « certains parcs de matériels ont cependant toujours une disponibilité insuffisante », relèvent les rapporteurs. Et de préciser que celle des chars Leclerc, qui était de 54% en 2019 [le dernier taux de disponibilité technique connu, ndlr] sera « affectée en 2024 » en raison de leur modernisation au standard XLR.
« Pour le reste, la disponibilité est soit stable, soit en faible augmentation. Ainsi, pour la catégorie des blindés [VAB, Griffon, Serval, VBCI], la livraison des nouveaux matériels et le retrait des VAB aura un effet légèrement positif. Encore faudrait-il que la cession de matériels à l’Ukraine n’ait pas pour conséquence une baisse de la disponibilité par la prolongation de matériels plus anciens », ajoutent M. Cigolotti et Mme Gréaume.
Les Griffon et les Serval n’étant entrés en service que très récemment, il faudrait donc prendre les dernières données connues pour les VAB [Véhicules de l’avant blindé] et les VBCI [Véhicules blindés de combat d’infanterie] pour avoir une idée de la situation.
Ainsi, en 2019, la DT des VAB était de 55% tandis que, selon un rapport de la Cour des comptes publié en mai 2022, la DTO des VBCI s’élevait à 58% en 2020, alors qu’elle avait atteint 74% deux ans plus tôt.
Quant aux hélicoptères de l’Aviation légère de l’armée de Terre [ALAT], en particulier les Tigre et les NH-90 « Caïman » TTH, leur disponibilité n’a apparemment pas connu de progrès significatifs.
« La disponibilité des hélicoptères de reconnaissance et d’attaque [HRA] est en faible augmentation, notamment en raison de nombreux chantiers sur les Tigre, tandis que les Caïman rencontrent toujours d’importantes difficultés de maintenance », indiquent en effet les rapporteurs.
Là encore, pour se faire une idée de la situation actuelle, il faudrait un point de repère… En 2018, le Tigre et le NH-90 TTH affichaient une DT d’environ 30%.
Mais en juillet dernier, le commandant de l’ALAT, le général Pierre Meyer, s’était félicité d’une hausse spectaculaire de la disponibilité des Tigre, celle-ci ayant dépassé les 60% [mais il n’avait pas précisé s’il s’agissait de leur DT ou de leur DTO].
« L’amélioration de la disponibilité des hélicoptères résulte de la conjonction de plusieurs facteurs. Nous avons ainsi également mis en place une nouvelle organisation en travaillant en plateau et regroupant la direction de la maintenance aéronautique [DMAé], le commandement de l’ALAT, les forces et l’industriel. Cette organisation en plateau nous permet d’anticiper les crises, par exemple celles liées aux pièces de rechange, et apporte une fluidité dans nos interactions », avait ainsi expliqué le général Meyer.
En revanche, la disponibilité des NH-90 TTH peinait toujours à décoller… « Mais compte tenu des progrès sur le Tigre, il n’y a aucune raison que la disponibilité du Caïman ne s’améliore pas de la même manière », avait assuré le COMALAT.
Enfin, selon M. Cigolotti et Mme Gréaume, l’activité de l’armée de Terre ne devrait pas augmenter en 2024, « contrairement à ce qui avait été espéré ».
« L’armée de Terre maintiendra son activité mais n’ira pas quantitativement au-delà en 2024. Ainsi, les journées d’activité du combattant terrestre [JACT] devraient rester stables, de même que le nombre de coups par équipage de Caesar ou le nombre d’heures d’entraînement par équipage de chars et de blindés », écrivent-ils. Et d’ajouter : « Le nombre d’heures de vol par hélicoptère de l’ALAT va remonter légèrement puis se stabiliser en 2024 à la suite de la baisse de 2023. »