-17 juin - 1er juillet 2023 :
Les jouets militaires TULA (URSS)
(par Thomas Seignon)
1/ Un peu d’histoire
Lorsque le Tsar Alexandre II décide de l’ouverture d’une usine de fabrication de munitions à TULA (200 Km au sud de MOSCOU) en 1880, il n’avait pas en tête la production de jouets !
Deux ans après son ouverture, l’usine est déjà en mesure de produire 30 M. de cartouche de petit calibre.
Lors de la Première Guerre mondiale, environ 25 % de la production de munitions de ce type sont produits à TULA.
Au cours de la Seconde Guerre mondiale, l’usine se spécialise dans le calibre 7,62mm pour les mitrailleuses ShKAS ainsi que pour les pistolets Tokarev ou les revolvers Nagant.
C’est seulement à partir de 1945 qu’avec la réduction de la demande, l’usine va commencer à diversifier sa production en proposant des médailles, des aspirateurs ou encore du mobilier !
L’idée des miniatures en métal apparaît vers 1966/67.
En tant qu’usine à vocation militaire, disposant de la maîtrise des techniques de moulage et n’ayant pas besoin de licence, elle se tourne naturellement vers le matériel de l’Armée Rouge.
Quant à la peinture verte (ou pas !), c’est celle qui est déjà utilisée pour certaines munitions !
En parallèle de la série d’engins qui nous intéresse, l’usine produit également des soldats de plomb.
En dépit d’un nombre de modèles finalement assez limité, la production aurait perduré jusqu’en 1992, et jusqu’en 1994 pour certains modèles moulés en plastique.
2/ Le point de vue d’un collectionneur
Comme toujours, il est subjectif... surtout si on a pu se procurer un de ces modèles dans un magasin d’état de Berlin Est, après être passé de l’autre côté du mur, à l’époque où il y en avait encore un !
Évidemment, c’est du rustique dans tous les sens du terme, l’échelle n’est pas constante (on tourne autour du 1/72), il n’y a ni référence ni catalogue…
Bref, il n’ y pas de quoi a priori s’enthousiasmer ! Qui plus est, ils ont copié sans scrupule le canon de 25 livres et son caisson de chez Dinky Toys GB… sans pour autant leur fournir un tracteur à une échelle correspondante !
À vrai dire, au-delà du jouet, ces modèles symbolisent à leur manière l’URSS de la Guerre Froide et c’est peut-être dans cette perspective historique que réside leur principal intérêt.
C’est du solide, fait pour être produit en très grande série et en privilégiant la simplicité tout en conservant un niveau de détail juste suffisant pour identifier (plus ou moins !) le matériel reproduit.
Par ailleurs, certains de ces modèles apparaissent aujourd’hui accessibles via internet (sans que leur origine TULA soit précisément identifiée) à des prix très variables mais qui, en général, restent « raisonnables »…
Du moins pour ceux que ce type de jouet intéresse et pourvu que le coût du port ne soit pas supérieur à celui du jouet lui même !
À propos de prix, il semble que sur certains modèles le prix soit gravé sous le châssis ; heureux monde où l’inflation n’existe pas !
Pour être honnête, il est difficile de savoir ce qui a effectivement été produit, ce qui rend la démarche du collectionneur pour le moins aléatoire vis à vis de la production de TULA.
3/ La série militaire
On y retrouve donc les classiques de l’Armée Rouge aux grandes heures de la Guerre Froide.
Citons, en ce qui concerne les véhicules à roues :
-le VLTT GAZ 69
-la camionnette tactique GAZ 66
-le camion OURAL 375 (version transport de troupe et LRM)
-le tracteur lourd MAZ 537 (avec remorque porte char ou lance missile balistique)
-le véhicule de reconnaissance BRDM 1
-le VTT BTR 152 (version K et lance missiles)
-le VTT BTR 60 (version P et PB).
Pour les véhicules chenillés, sont représentés :
-l’incontournable T 34/85
-le T 54 (ou T55, ou T 62, compte tenu de l’imprécision de la miniature)
-l’ASU 57
-le lanceur de missiles sol/air SA 4
-le lanceur de missile sol/sol FROG
-l’automoteur de 152mm 2S3
-le tracteur chenillé GT S.
Je termine par l’artillerie avec une pièce de 122mm M30 et… la copie modifiée du 25 Pdr. britannique !
Il est tout à fait possible que d’autres véhicules aient été produits (comme par exemple une version de base du BTR 152, avec une caisse ouverte) et je ne doute pas que les lecteurs de Milinfo pourront combler quelques trous...
Tula : les forces en présence
Les boitages en carton sont à l’image des modèles, c’est du solide !
Quant aux illustrations, elles s’approchent plus du jouet lui même que du véritable véhicule. On ne risque pas la tromperie sur la marchandise.
Ces boitages, qui varient dans le temps pour un même modèle, renforcent l’image très soviétique que renvoient les miniatures.
Nous sommes bien de l’autre côté du rideau de fer !
Le 4X4 GAZ 66 est une grosse jeep dont la production commence en 1952 à l’usine « Molotov » de Gorki.
Elle est transférée à Ulianovsk (usine UAZ) à partir de 1956.
Le modèle est progressivement remplacé par l’UAZ 469 dans le courant des année 60s.
Pas de bâche, pare brise fixe, niveau de détail très faible…
La miniature donne le ton de la série.
Reconnaissons qu’il y a quand même le volant !
La camionnette tactique GAZ 66 est un équivalent communiste du Mercedes Unimog allemand et du SUMB BH 600 (ou plus simplement Marmon) français.
Le modèle dispose d’une bâche en métal plié mais complètement ouverte dans l’axe longitudinal.
En allant vite, de loin et dans le brouillard, c’est assez fidèle à l’original dont les premières versions à l’échelle 1 apparaissent à la fin des années 50s.
J’ai choisi ce modèle de l’OURAL 375, version transport de troupe pour illustrer qu’en dépit de leur caractère rustique, ces miniatures peuvent présenter des faiblesses.
Faiblesse structurelle d’abord, avec ici d’évidente traces de « metal fatigue ».
Faiblesse de finition ensuite, avec une peinture qui a une forte tendance à s’écailler.
Néanmoins, comme c’est le seul modèle que je possède qui présente de tels défauts, la cause n’est peut-être que conjoncturelle et à rechercher parmi les effets négatifs de la vodka sur la chaîne de production !
Le camion à ici beaucoup plus fière allure dans sa version lance roquettes multiple en dépit d’une présentation minimaliste avec seulement quatre munitions en place.
On en attend 10 fois plus sur un LRM type BM 21, c’est à dire le système le plus répandu sur le châssis OURAL 375 !
Il est vrai que nous sommes bien davantage dans la représentation symbolique que dans un souci de précision.
Les roquettes sont d’ailleurs moulées avec les rampes de lancement.
En s’attaquant à un tel attelage, toute notion de correspondance d’échelle par rapport aux modèles précédents est évidemment caduque.
Le gros tracteur routier 8X8 ressemble à un MAZ 537 et le missile pourrait entrer dans la catégorie des engins de type SCUD.
Le raffinement du modèle se situe dans la capacité à placer le missile en position de tir, c’est-à-dire à la verticale.
La version porte-char est sans doute plus simple, mais à mon avis plus convaincante en terme de réalisme de l’attelage.
En revanche, on repassera pour le raffinement : la remorque est indissociable du tracteur et ses rampes sont fixes.
Dans la vraie vie, l’imposant MAZ 537 est propulsé par un moteur de char V 12 diesel qui a été bridé à 375 CV.
Ce modèle m’offre l’occasion d’illustrer deux types de roues différents qui peuvent être montées sur l’ensemble de la gamme.
Cela ne signifie pas pour autant que d’autres variantes n’existent pas.
On note également qu’en dépit de l’évidente simplification du moule, on n’a pas oublié de graver l’étoile rouge à l’avant du camion.
Ce serait dommage de se retrouver au goulag pour avoir oublié l’essentiel !
Le BRDM 1 (ou BTR 40P) est l’engin de reconnaissance standard de l’Armée Rouge des années 60s.
Il est décliné en différentes versions, dont une version lance missile AT 3 « Sagger » selon l’appellation de l’OTAN.
Les collectionneurs de la série 200 Solido auront fait le rapport avec la Ref 225.
Sa forme générale, plutôt bien rendue ici, révèle la capacité amphibie du véhicule.
Le BTR 152 qui apparaît peu après la seconde guerre mondiale peut difficilement contester l’influence capitaliste qui a présidé à sa conception.
En effet, si on excepte son train arrière sur roues, la ressemblance avec le hallf track M3 (ou M5 ou M9) est flagrante.
La version K présentée ici se caractérise par un toit blindé qui offre une plus grande protection à la troupe…
Et a aussi le mérite de simplifier le moulage.
Je ne suis pas certain qu’une version lance missiles du BTR 152 soit effectivement entrée en service, quand bien même des essais ont pu être réalisés.
Ce qui est sûr, c’est que de multiples versions du BTR 152 ont été développées à partir de son châssis commun, en l’occurrence celui du camion ZIS (ZIL) 131.
Pour le jouet comme pour le vrai, il s’est agit avant tout de faire simple et solide, adapté à une production de masse pour une armée de masse.
Avec le BTR 60 P, l’Armée Rouge se dote d’un transport de troupe plus évolué que le BTR 152.
Mieux protégé, il est plus puissant et offre une capacité amphibie.
Dans cette version initiale, l’armement reste une mitrailleuse lourde de 14,5mm qui n’offre pas de protection pour son servant.
La reproduction de cette arme est plus que discutable mais on note qu’il s’agit cette fois d’une pièce rapportée en plastique, à l’image de l’antenne radio.
Dans sa version PB, le BTR 60 est effectivement doté d’une tourelle.
Mais il s’agit d’une petite tourelle monoplace dotée, en plus de la mitrailleuse de 14,5mm, d’une autre de 7,62mm montée en coaxial.
On a ici l’impression qu’il s’agit davantage d’un canon de gros calibre !
Cela nuit au réalisme du modèle, mais si cela peut contribuer à la victoire de l’armée du peuple et des paysans !
Une taupe du KGB infiltré à Londres a du ramener à son petit neveu qui habitait Tula dans les années 60s la REF 697 de chez Dinky Toys !
Bien sûr on a un peu rallongé le tube pour simuler un canon ZIS 2 (57mm) ou ZIS 3 (76,2mm), mais pour le reste on est dans le surmoulage pur et simple.
Malheureusement, le tracteur d’origine (Morris C8) présente des caractéristiques trop réactionnaires pour être repris.
Il faudra se contenter, par exemple, du GAZ 66, totalement hors échelle.
Contrairement au modèle précédent, avec la pièce de 122 M30, on ne risque pas de trahir le Parti.
Cet obusier produit entre 1939 et 1955 est une arme emblématique de l’artillerie soviétique, elle même symbole de la puissance de l’Armée Rouge.
Le modèle assez fidèle propose un affût bi-flèche mobile permettant de placer la pièce en position de tir ou de remorquage.
Un engin comme ce petit tracteur chenillé et amphibie GT S illustre le besoin de préservation de la mobilité dans le contexte climatique et géographique contraignant de l’URSS (aujourd’hui réduit à la Fédération de Russie, mais toujours valide !).
Avec un poids contenu (4,5t.), le GT S passe presque partout et offre une mobilité bien supérieure à celle d ‘un camion 6X6.
Pour rendre cette mobilité plus crédible, TULA a produit une version dotée d’un train de roulement adapté à la mise en place de chenilles en caoutchouc, ce qui, de fait, génère deux modèles différents.
Il en résulte un roulement peu convaincant et surtout une fragilité de ces chenilles dont le caoutchouc résiste mal à l’usure du temps.
Destiné à l’infanterie parachutiste, l’automoteur antichar ASU 57 (qui correspond au calibre de 57mm de son canon) me procure l’occasion d’illustrer les différences de teintes (et de boitages) qui peuvent caractériser un même modèle.
Tout dépend de la disponibilité du stock de peinture de l’usine.
Détail sans réelle importance me direz vous, tant qu’on reste dans des teintes militaro-compatibles et tant qu’on arrive à tenir, voire à améliorer, les objectifs de production du plan quinquennal.
Le T34/85 est un classique de l’arme blindée soviétique.
C’est la raison pour laquelle je suis un peu déçu par cette reproduction qui est vraiment sommaire, même si elle reste dans la lignée de ce que l’on a déjà vu.
À vrai dire, avec cette tourelle, cela peut tout aussi bien faire référence à un T 34/76 Mod. 1943.
Cet aspect générique s’applique également à ce T 54/55/62 (rayez la mention inutile !).
L’évacuateur de fumée, excroissance esquissée au 3/4 AV du tube du canon (et non au bout) plaide en faveur d’un T 62 alors que la caisse s’apparente plutôt à la génération T54/T55.
Quant au train de roulement qui présente un espacement symétrique des galets, il est faux dans tous les cas !
Néanmoins l’identité soviétique du char ne fait aucun doute ; on reste donc dans la ligne du Parti.
Dans la série « on n’arrête pas le progrès du peuple », Tula va proposer une version améliorée de son châssis en le dotant d’un train de chenilles fonctionnel et d’un canon mobile en site.
Au bilan, cette « amélioration » apparaît discutable surtout si l’on considère la relative fragilité de la chenille en caoutchouc.
Par ailleurs, à y regarder de plus près, il y a autre chose qui attire l’oeil.
En effet, sur cette nouvelle version (ici à gauche), la position de la tourelle par rapport à la version précédente (ici à droite) apparaît très en retrait.
À vrai dire, nettement trop en retrait par rapport à sa position normale.
Il s’agit pourtant d’un modèle original dont le montage relève d’une erreur que j’explique un peu plus loin.
En ce qui concerne l’erreur elle-même, je penche pour un abus de vodka à l’occasion de la célébration de la victoire de 1945, lors de la Grande Guerre Patriotique (9 mai).
L’optimisation des moules n’est pas l’apanage des marques capitalistes.
Puisqu’on a un châssis de T 54/55/62, pourquoi ne pas lui adjoindre un missile tactique du type FROG ?
Un châssis plus proche du PT 76 aurait été certainement mieux adapté, mais, à ma connaissance, Tula n’a pas produit ce blindé amphibie (là encore, les collectionneurs Solido auront fait le rapprochement avec la Ref 218 !).
Sans surprise, l’ensemble est totalement fixe.
Tant qu’à optimiser, allons y franchement avec la récupération du même châssis, dans sa version « améliorée » pour représenter cet automoteur d’artillerie 2S3 (152mm)… dont la tourelle est placée plus en retrait que celle du char.
J’en déduis que mon T 54/55/62 vu plus haut est le résultat d’un malencontreux mélange sur la chaîne de production entre le char et la pièce d’artillerie qui partagent le même châssis !
Conclusion : « Un verre, ça va, trois verres, bonjour les dégâts »...
On a la confirmation des méfaits de l’alcool avec ce set N°1 qui comprend un char « amélioré » avec, cette fois, une tourelle correctement placée.
À côté, on y trouve le 2S3 déjà vu et le lanceur de missile Sol/Air SA 4 (code OTAN : GANEF).
Il est plus que probable que ce dernier soit aussi disponible en boitage individuel.
De même, si ce set porte le N° 1, il est fort possible qu’il existe un N° 2, voire peut-être encore plus... ?
Je fais donc un appel aux lecteurs pour compléter cette série en étant bien conscient que sur ce coup là, il sera plus que jamais impossible d’être exhaustif.