-13/16 septembre 2024 :
Le PRAGA V 3S
(Vojenskẏ Třitunovnẏ Speciál – Militaire, trois tonnes, spécial)
Ou le « GMC tchécoslovaque »
(par Thomas SEIGNON)
Après avoir évoqué « ce qu’un collectionneur ne devrait pas faire – saison 2 » (voir ICI), je vous propose une approche plus conventionnelle de la « collectionnite » à travers cette fois l’étude d’un véhicule militaire particulier décliné en miniature (et en se limitant ici aux échelles 1/43 – 1/48 – 1/50).
L’intérêt de l’exercice réside dans la résolution d’un équation à trois inconnues : trouver un engin à la fois original, intéressant et produit en modèle-réduit de façon suffisamment significative.
Le PRAGA V3S répond, selon moi, à cette triple contrainte.
(Photo de J. Hadacek)
-Un peu d’histoire :
Le V3S illustre la compétence de la firme tchèque PRAGA en matière de véhicules militaire, et plus généralement de camions tout terrain.
Créée en 1907 à Prague, la firme produit son premier camion à vocation militaire dès 1911.
Entre les deux guerres, PRAGA connaît un fort développement et offre un catalogue varié de véhicules tant civils que militaires… ; on y trouve même un avion !
En démembrant « en douceur » la Tchécoslovaquie en mars 1939, l’Allemagne nazie met naturellement la main sur les capacités industrielles du pays et le potentiel de PRAGA est largement exploité.
À la fin de la guerre, les principaux sites de production sont détruits à 90 % et de nouveaux bâtiments sortent de terre au centre de Prague, dans le quartier de Visočany.
Nationalisée en 1945, la firme est orientée vers la production de camion dans le cadre d’une économie planifié et son modèle phare, le V3S, apparaît en 1953.
(Photo de J. Hadacek)
À vocation initialement militaire, l’engin rencontre rapidement le succès auprès du monde civil (industrie, services, agriculture…).
Le châssis est conçu pour être polyvalent et de nombreuses versions vont ainsi voir le jour.
Véritable référence en matière de véhicule tout terrain, le V3S sort des chaînes PRAGA jusqu’à la fin des années 80s.
Il est produit à plus de 131 000 exemplaires et exporté dans 72 pays, ce qui montre que ses qualités sont aussi appréciées en dehors du bloc communiste !
(Photo de J. Hadacek)
Si vous avez l’occasion de visiter la République Tchèque (ou la Slovaquie), il est probable que vous croisiez encore aujourd’hui un de ces camions…
Comme celui-ci vu dans les rues de Prague en 2015 :
Manifestement utilisé par les services de voirie, il est en parfait état malgré au moins une bonne trentaine d’années de service.
-Les modèles réduits :
J’ai retenu trois marques qui produisent le V 3S au 1/43 (tout monté) ou au 1/48 (maquette résine).
Deux d’entre elles sont assez logiquement tchèques.
Il s’agit d’Abrex (1/43) et de Ciro models (1/48), la troisième est Start Scale Model (SSM - 1/43), d’origine russe.
Commençons par Abrex qui nous offre le plus grand nombre de versions.
Le modèle « de base », aux couleurs de l’armée tchèque, est proposé sans bâche avec une caisse courte.
Il se trouve qu’Abrex a sorti le même modèle deux fois, mais avec des marquages et une immatriculation légèrement différents.
La version caisse longue, toujours débâchée, est également proposée. Ce modèle se distingue également par un jeu de deux roues de secours derrière la cabine et une teinte verte bizarrement plus pale et assez brillante.
La version bâchée est ensuite proposée, mais cette fois avec une seule roue de secours. Pour une version militaire, la teinte de la bâche est vraiment très brillante !
Abrex joue encore un peu plus sur les variantes, avec cette autre version bâchée, avec cette fois deux roues de secours et une teinte verte plus soutenue. Quant à la bâche, elle est toujours aussi brillante.
Il faut attendre cette série limitée, déclinée en version d’école de conduite, pour voir la bâche prendre un aspect plus convaincant. On note à cet égard la façon habile de représenter en trompe l’œil le système de fixation de la dite bâche.
Rien de tel qu’un petit coup de blanc onusien pour produire une « nouvelle » déclinaison ! Le modèle est bien sûr déjà vu… ainsi que sa bâche qu’il faut regarder avec des lunettes de soleil.
Avec la version porte shelter, Abrex optimise son moule de façon plus intéressante. Le shelter étant standard, il est d’abord proposé en version médicale.
Le même modèle, dans une version atelier, est également disponible. Là encore, sur ce modèle, la teinte verte plus sombre semble mieux adaptée à un engin militaire.
Tant qu’à faire, on n’échappe pas au petit coup de blanc avec ce shelter sanitaire aux couleurs de l’ONU.
Le fabricant tire sur ce filon avec, en série limitée, une version « vieillie » du même camion sanitaire. Je dois dire que ce type d’option me laisse toujours un peu dubitatif. La véritable originalité réside peut être dans la peinture d’apprêt rouge appliquée sur les roues.
En créant un châssis citerne à carburant, Abrex nous offre une déclinaison encore plus originale de son V 3S.
Une fois de plus, on retrouve sur un même modèle une variante dont la différence repose uniquement sur la teinte « vert armée » qui est appliquée.
Au bilan, les V3S d’Abrex sont de beaux modèles qui offrent un niveau de détail très correct (châssis 6X6, intérieur de la cabine, accessoires…).
Ils sont réalisés en plastique injecté (quasiment pas d’éléments métalliques) et ce même camion a bien sûr été décliné par Abrex dans diverses versions civiles.
Abrex est toujours très actif dans le milieu de la miniature et possède en particulier les droits de reproduction de la marque Skoda.
Reste que les modèles militaires du V 3S sont assez difficile à retrouver aujourd’hui.
J’ai beaucoup plus de doutes sur la persistance de la marque Ciro Models qui a reproduit le V 3S sous la forme de maquettes en résine à l’échelle 1/48 dans le courant des années 90s.
Si l’environnement de ces modèles peut paraître rustique (plan, boitage), la maquette elle-même est de bonne qualité et propose quelques pièces en photodécoupe.
Entre les mains d’un maquettiste expert et avec une bonne documentation, le résultat est très convaincant comme le montre ces modèles en cours de construction par Jérôme Hadacek.
(Photo de J. Hadacek)
Signe que la base est bonne, Jérôme a même poussé le vice jusqu’à sur détailler une version particulière de ravitailleur en service dans l’armée égyptienne pendant la guerre du Kippour.
(Photo de J. Hadacek)
Si les modèles miltaires du V 3S Abrex sont difficiles à trouver, que dire des maquettes Ciro models ?!
Les tirages en résine étant par nature relativement limités et la marque très confidentielle, trouver aujourd’hui un exemplaire à monter relève de l’exploit.
Dommage que les marques actuelles ne s’intéressent pas à ce camion pourtant emblématique de la guerre froide. Emblématique au point de figurer sur les catalogues d’identification des véhicules du pacte de Varsovie avant que le mur de Berlin et l’URSS ne s’effondrent.
Terminons cette revue par les propositions faites par SSM du V3S.
C’est pour moi les meilleurs modèles, et pas seulement parce que l’ensemble châssis /cabine est cette fois en métal.
Il s’avère que le niveau de détail est plus élevé que chez Abrex comme on peut le voir sur cette version shelter atelier.
On peut néanmoins regretter l’absence totale de marquage, quelle que soit les versions présentées.
La citerne à carburant, différente de celle d’Abrex, n’échappe pas à cette règle.
Enfin, l’originale version de dépannage nous présente un système de grue biflèche qui semble fortement inspiré du modèle Holmes que l’on trouve sur les « wreckers » américains.
Il est possible que d’autres version du V 3S aient fait l’objet d’une reproduction par SSM dont il est assez difficile de suivre la production, difficulté qui ne s’est pas arrangée ces derniers temps (même si cette marque russe transite par l’Estonie pour garder une porte ouverte sur le marché occidental)…
Les lecteurs de Milinfo pourront peut être compléter mon listing !?
Pour conclure, je ne peux m’empêcher d’exprimer le regret de n’avoir jamais vu de reproduction de la version blindée et armée du V3S.
En effet le M 53/59 (amélioré sous la forme du M 53/70) est dotée d’un bitube de 30mm monté sur un châssis renforcé de V 3S.
(M53/70)
Ce document remonte au conflit en ex-Yougoslavie et nous montre un engin dont la partie blindage n’est pas sans rappeler les productions allemandes de la Seconde Guerre mondiale.